LA RONDINE : Note d’intention de mise en scène – Yohanna Fuchs

Les conditions qu’offre le festival sont exceptionnelles. Ce qui pourrait être perçu comme une contrainte ; jouer en extérieur avec peu de moyens techniques, devient en réalité une force extraordinaire. C’est une mise à nu qui demande d’aller à l’essentiel, au cœur de l’œuvre.

La Rondine étant l’un des opéras de Puccini les moins représentés, offre aussi la possibilité de découvrir des aspects peu connus de ce génial compositeur. Cette œuvre d’une grande maturité, pleine de mystère et de profondeur tant sur le plan musical que par les thèmes abordés, résonne aujourd’hui d’une manière toute particulière.

Dès la première écoute, on est frappé par l’univers cinématographique qu’évoque la musique notamment par la vivacité et la spontanéité de nombreuses scènes dialoguées. Cet univers s’est imposé progressivement jusqu’à devenir une évidence. En effet, à sa création en 1917, le monde, marqué par l’horreur de la première guerre, subit des bouleversements techniques considérables qui transforment la société. L’influence qu’a eu l’invention du cinéma sur le courant vériste au théâtre et à l’opéra en est un des reflets. Un rapport différent au public se cherche. On veut, par la caméra, aller capturer l’instant de vérité, entrer dans l’intimité, être plus vrai, plus authentique. Cela a pour conséquence antagoniste d’encourager le monde des apparences, du faste, de la célébrité avec son lot d’illusions qui ne font qu’aggraver la nécessité d’exister à travers le regard des autres. En utilisant le monde du cinéma comme terrain de jeux pour nos protagonistes, le tissage délicats de leurs relations n’en apparaît que plus clairement. Ainsi la relation des désirs et des ambitions qui gouvernent la jeune et déjà célèbre Magda, sa maquilleuse Lisette, le producteur Rambaldo, le scénariste Prunier et l’aspirant réalisateur Ruggero s’entrechoquent pour faire écho à nos propres désirs et à nos propres ambitions d’aujourd’hui. Là réside, il me semble, la clé pour rendre cette œuvre du passé immensément contemporaine et actuelle.

Le thème principal de l’opéra n’en demeure pas moins celui de l’amour. En en peignant ses différents aspects contradictoires, Puccini et Adami nous rappellent le caractère vain de cette question, qui telle une boucle sans fin, nous mène sans cesse vers notre perte. La fin restant volontairement en suspens, laissant le spectateur sans réponses, souligne en filigrane le thème de l’éternel retour, comme l’est le ballet perpétuel des hirondelles (Rondine en italien) revenant chaque saison au même point, d’une saison à l’autre, d’une génération à l’autre.

Nous prenons alors la mesure du privilège que nous avons aujourd’hui de partager et faire vivre cette œuvre magistrale que Puccini nous a léguée, au cœur du village de Gattières, dans notre si belle région que lui-même avait choisi pour le dernier acte, comme une ode à la vie.

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